Le premier XXIᵉ siècle est un essai ambitieux et novateur qui propose une analyse géopolitique des vingt premières années de notre siècle. L’auteur, Jean-Marie Guéhenno, est un diplomate et un ancien secrétaire adjoint des Nations Unies, qui a une expérience et une vision globales des enjeux actuels. Il nous livre un bilan lucide et sans complaisance des crises qui secouent les démocraties, les sociétés et les relations internationales.
L’auteur part du constat que le “premier XXIᵉ siècle”, comme la première version d’un logiciel insuffisamment testé, révèle chaque jour de nouvelles failles. Il montre comment l’individu, qui croyait pouvoir changer le monde, est de plus en plus écrasé par lui. Il explique comment l’utopie identitaire remplace l’utopie politique, et comment le monde se fragmente en des communautés de plus en plus fermées et hostiles. Il dénonce les dangers de la globalisation, qui a créé des inégalités, des frustrations et des tensions. Il alerte sur les risques de la révolution numérique, qui bouleverse les hiérarchies du savoir et de la puissance, et qui peut conduire à une nouvelle forme de totalitarisme.
L’auteur ne se contente pas de dresser un constat sombre, mais il propose aussi des pistes pour un autre avenir possible. Il plaide pour une écologie repensée, qui ne soit pas seulement une contrainte, mais une opportunité de renouveler nos modes de vie et de production. Il appelle à une nouvelle séparation des pouvoirs, qui garantisse la démocratie et la liberté face aux dérives des États et des entreprises géantes de l’internet. Il défend une Europe qui ne cherche pas à être un super-État, mais qui soit un espace de coopération et de solidarité. Il invite à une ouverture d’esprit et à un dialogue entre les cultures, qui respecte la diversité et la dignité humaine.
Le premier XXIᵉ siècle est un livre stimulant et éclairant, qui nous invite à réfléchir sur le monde dans lequel nous vivons et sur celui que nous voulons construire. Il nous offre une grille de lecture originale et pertinente pour comprendre les enjeux et les défis de notre époque. Il nous interpelle sur notre responsabilité individuelle et collective face à l’avenir de l’humanité.
Toutefois, le livre n’est pas exempt de critiques, notamment sur l’incomplétude et la superficialité de l’analyse. En effet, l’auteur se concentre principalement sur les aspects politiques et économiques du monde, et néglige les dimensions sociales, culturelles et environnementales. Il ne prend pas en compte les mouvements sociaux, les expressions artistiques, les innovations scientifiques, les aspirations spirituelles, les revendications écologiques, qui sont autant de facteurs qui influencent et transforment le monde. Il ne s’intéresse pas non plus aux acteurs non étatiques, tels que les organisations non gouvernementales, les réseaux transnationaux, les groupes armés, les entreprises multinationales, qui jouent un rôle majeur dans la gouvernance mondiale. Il ne tient pas compte des dynamiques régionales, qui sont souvent plus complexes et nuancées que les oppositions entre les grandes puissances. Il ne prend pas suffisamment en compte les perspectives des pays du Sud, qui sont souvent marginalisés ou ignorés dans les analyses géopolitiques.
Par ailleurs, l’auteur adopte une optique un peu trop franco-française, qui limite sa vision et sa compréhension du monde. Il se réfère souvent à l’histoire et à la culture françaises, qui sont certes riches et intéressantes, mais qui ne sont pas forcément pertinentes ou représentatives pour d’autres pays ou régions. Il se montre parfois condescendant ou arrogant envers d’autres peuples ou civilisations, qu’il juge inférieurs ou décadents. Il se montre parfois naïf ou idéaliste envers la France ou l’Europe, qu’il considère comme des modèles ou des sauveurs du monde. Il se montre parfois pessimiste ou fataliste envers le monde, qu’il voit comme un chaos ou une menace.
En conclusion, le livre de Jean-Marie Guéhenno est un ouvrage intéressant et instructif, mais qui mériterait d’être complété et approfondi par d’autres lectures et analyses. Il nous offre une vision du monde qui n’est pas universelle ni définitive, mais qui est personnelle et subjective. Il nous invite à nous questionner et à nous informer, mais il ne nous donne pas toutes les réponses ni toutes les solutions. Il nous ouvre des pistes de réflexion, mais il ne nous ferme pas les yeux.